Festival LOOP 10 : 1ère belge du film "L'Effacée"

Le 25 novembre à 20h30 au CC Le Senghor,  vous pourrez assister à la première belge du film L'Effacée de Renaud De Putter et Guy Bordin

SYNOPSIS

1910 – Charlotte Dufrène, demi-mondaine retirée dans une société élégante près de Paris, doit accepter une étrange proposition : devenir la compagne-paravent de Raymond Roussel, écrivain excentrique et secrètement homosexuel. Elle vivra vingt-trois ans à ses côtés, l’accompagnant jusqu’au bout d’une quête hallucinée. De Bruxelles, où elle s’exile ensuite, elle se souvient de la folle journée qui précéda cette rencontre décisive, et de la fête qui fut alors donnée en son honneur. Les lettres écrites par Charlotte Dufrène entre 1933 et 1964 jalonnent le fil de ce récit.

La bande annonce : https://vimeo.com/196698627

A l'issue de la projection, le public pourra s'entretenir avec les réalisateurs Renaud De Putter et Guy Bordin ainsi que la comédienne Aurore Latour qui tient le rôle principal.

 

INTERVIEW

Voici la retranscription d'un court entretien avec le réalisateur-compositeur Renaud De Putter 

 

Le Forum des Compositeurs : Si l'intérêt de L'Effacée va bien au-delà de son contexte musical (il y a l'histoire littéraire-culturelle, un aspect sociologique, la réflexion sur le statut de la femme, etc.), pourriez-vous néanmoins nous apporter quelques éléments d'information sur les dimensions purement musicales du film ?

 

Renaud De Putter : La musique était une dimension importante de la vie de Charlotte Dufrène. Elle fut une amie proche du compositeur Reynaldo Hahn (l'amant puis l'ami de plus proche de Marcel Proust). Elle fut pendant 23 ans la compagne de l'écrivain Raymond Roussel, qui a fait un cursus complet de piano au conservatoire de Paris, et était lui aussi un ami et admirateur de Hahn. Si Roussel a abandonné très tôt l'idée d'une carrière musicale pour se consacrer à l'écriture, il a continué à jouer et chanter toute sa vie, pour lui ou pour sa famille et ses amis (Charlotte, les Leiris, Michel Ney d'Elchingen), interprétant des mélodies ou de transcriptions d'opéra (notamment Wagner, Puccini et Massenet, qu'il vénérait). Il était amateur passionné d'opéra, à Paris ou dans les grandes salles européennes, représentations auxquelles il assistait, après 1910, le plus souvent avec Charlotte.

 

FDC : Raymond Roussel était-il féru de musique? Quelle était sa place dans l'environnement musical de son temps?

 

Renaud De Putter : Si l'écriture et la démarche créative de Roussel le placent à la pointe de l'avant-garde littéraire (il était vénéré des surréalistes et devint un modèle pour l'Oulipo ou le Nouveau Roman), ses goûts musicaux sont restés peu sensibles à la modernité musicale de son temps, témoignant d'un certain conventionnalisme. Son crédo musical semble proche de celui de Hahn, adepte d'un équilibre classique, et rétif aux innovations trop hardies. Il faut y voir sans doute aussi le reflet de son appartenance sociale: une très riche bourgeoisie parisienne liée à la l'aristocratie d'empire, milieu aux goûts assez conventionnels.

 

FDC : Qu'est-ce qui a donc motivé vos choix musicaux? 

 

Renaud De Putter : Dans un esprit documentaire, les dimensions musicales de L'Effacée se veulent conformes aux préférences de Charlotte et Raymond. Le film fait entendre plusieurs pièces de Reynaldo Hahn, témoignant de différentes facettes de son talent: mélodies, pièces pour piano, air d'opérette (plus tardif). Dans notre travail sur Reynaldo Hahn, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Philippe Blay (biographe de Reynaldo Hahn qui va sortir bientôt une nouvelle biographie de ce compositeur chez Fayard) et Jean-Yves Patte, qui nous a aidé à trouver – si possible – les enregistrements anciens les plus intéressants.

 

FDC : Votre film contient aussi quelques raretés et curiosités musicales de l'époque.

 

Renaud De Putter : L'Effacée présente aussi un aspect de création et recherche musicale. Nous avons par exemple retrouvé un rarissime enregistrement d'époque de la musique de scène de la pièce La Poussière de Soleils de Raymond Roussel (1926), composée par Marius-François Gaillard (le compositeur de la musique d'Eldorado de Marcel L'Herbier), et témoignant d'une ouverture musicale intéressante et inédite dans l'univers roussellien : recours aux dissonances, dimensions bruitistes, influences stravinskiennes. 

 

FDC : À quels moments peut-on retrouver le Renaud De Putter compositeur? 

 

Renaud DE Putter : J'ai glissé dans la bande son du film quelques compositions originales spécialement écrites pour ce projet, cherchant avant tout à être conforme à l'esprit de Charlotte et de Raymond, à leurs goûts, à ce qu'ils auraient pu aimer – et à ne pas "ressortir". Toutes ces pièces sont des variations sur un thème unique. Les deux plus développées sont le Pas de deux, dansé par Aurore Latour et Louis Combeaud, dans une chorégraphie de ce dernier. La Songerie accompagne la plongée (anticipative) de Charlotte dans l'univers roussellien: c'est une pièce où je me suis permis une expression légèrement différente, qui tranche avec les autres musiques. Le Tango qui achève le film reprend le thème développé dans les autres pièces, mais travaillé cette fois par la pianiste et musicienne de tango argentine Lea Petra: nous voulions ici faire une allusion à la vogue populaire du tango qui a déferlé en France à partir des années 1920. A noter que la comédienne Aurore Latour développe de plus en plus ses talents vocaux, dans une perspective jazz.

 

Voici une liste exhaustive des pièces entendues dans le film : 

 

Reynaldo Hahn

  • Les Rêveries du Prince ÉglantineLe Pèlerinage inutile (extraits du Rossignol éperdu)

piano : Billy Eidi

disque Timpani 2C2229, 2014 - © Heugel ; avec l’autorisation d’Alphonse Leduc Editions Musicales

  • La Barcheta (extrait de Venezia)

chant et piano : Reynaldo Hahn

disque Gramophone, Paris, 1909 – © Heugel ; avec l’autorisation d’Alphonse Leduc Editions Musicales ; avec l’aimable concours de Jean-Yves Patte - Paléovox

  •  L’heure exquise (extrait de Chansons grises)

chant : Romain Dayez ; piano : Mariano Ferrández - © Heugel ; avec l’autorisation d’Alphonse Leduc Editions Musicales 

  • Amour qui passes (extrait de Ciboulette)

avec Yvonne Brothier de l’Opéra Comique 

disque Gramophone W 517, Paris, 1923 - document BNF, département de l’Audiovisuel – © Universal Music Publishing Group

 

Il y a en outre plusieurs occurrences de Camille Saint-Saëns. Cette musique devait être familière tant à Charlotte qu'à Roussel. La dimension de mascarade dans l'oeuvre de Roussel a été soulignée bien des fois, et elle trouvait ici un écho à la fois intéressant et familier.

 

Camille Saint-Saëns 

  • Prélude (extrait du Déluge)

Société des Concerts du Conservatoire, direction André Messager

disque Columbia, New-York, 1918 ; avec l’aimable concours de Jean-Yves Patte - Paléovox

 

  • Le CygneL’éléphantKangourousAquariumTortues (extraits du Carnaval des Animaux)

(CC BY-SA) Seattle Youth Symphony Orchestra (Musopen)

 

  • Final (extrait du Carnaval des Animaux)

Disque Club National du disque CND 532, Paris, 1959 - document BNF, département de l’Audiovisuel

 

Marius-François Gaillard

Climat et Conseil municipal (extraits de Guyanes)

disque Fotosonor 28, Paris, 1931

Document BNF, département de l’Audiovisuel - © Heugel ; avec l’autorisation d’Alphonse Leduc Editions Musicales

 

Renaud De Putter 

Marche funèbreValseBarcarollePas de deuxDoubleSongerie (extraits des Chants de L’Effacée)

piano : Mariano Ferrández – © des auteur et interprète

 

L’Effacée – Fantasia

luth renaissance : Renaud De Putter – © de l’auteur

 

Lea Petra et Renaud De Putter

Tango de Charlotte

texte : Renaud De Putter

chant : Aurore Latour,piano : Lea Petra – © des auteurs

 

 

 

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